Site Site

— Légende

Définitions

Brève définition des termes pour donner le cadre de leur portée théorique et disciplinaire.

Citations

Citations d’auteurs proposant des éléments de définition faisant consensus et provenant de sources bibliographiques.

Perspectives

Textes rédigés par des chercheurs/artistes à partir de l’expérience de leur terrain d’étude.

Bibliographie

Sources bibliographiques prolongeant les citations.

Définition

Espace géographiquement défini qui sert de cadre à une ville, un lieu mais aussi à une activité particulière ou un évènement dont les modalités de déroulement seraient consubstantielles aux caractéristiques propres de ce cadre.

Pour citer : « Site », Performascope : Lexique interdisciplinaire des performances et de la recherche-création, Grenoble : Université Grenoble Alpes, 2021, [en ligne] : http://performascope.univ-grenoble-alpes.fr//fr/detail/177909

Catégorie :

⇆ Termes associés :

Date de création : 2021-06-14.

Dernière modification : 2022-06-29.

Licence Creative Commons
Les textes sauf les citations sont mis à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification.
Imprimer ce terme

Perspective

Citation

Bibliographie

« Emplacement approprié, défini en fonction de son usage. […] Assise d’un habitat ou d’une activité, vue dans ses caractéristiques physiques et son environnement immédiat. […] Le site (toujours local) est habituellement opposé à la situation, qui définit des relations avec l’environnement proche et lointain. »

Roger Brunet, Robert Ferras, Hervé Théry, « Site » in Les mots de la géographie. Dictionnaire critique, Montpellier-Paris : GIP Reclus-La Documentation française, 1992, p.456



« The physical features of a place that were important considerations in its initial selection as a settlement are called site factors. Before the era of railroads and highways, urban places were routinely sited on the banks of navigable rivers. The site factors of immediate importance is these instances were high ground to avoid flooding and a gentle slope to ensure accessibility to the river for transportation. Site has been characterized as representing a vertical location factor. That is, the focus in site selection is limited to the physical terrain that supports the establishment of a viable settlement. Site is coupled with the concept of situation, in which consideration is made for the location of the place within its larger areal context. »

Gerard R. Pitzl, Encyclopedia of Human Geography, Londres : Grenwood Publishing, 2004, p.228

Géographie
Anne-Laure Amilhat Szary, Univ. Grenoble Alpes, CNRS, Sciences Po Grenoble, PACTE, 38000 Grenoble, France

Comme beaucoup de géographes, j’ai été marquée par la distinction entre site et situation que l’on acquiert comme un réflexe méthodologique lorsque l’on apprend à analyser des cartes topographiques. Dans ma pratique de recherche, je vois le sens de ces notions fluctuer selon les contextes, y compris entre le français site et l’anglais site, que l’on pourrait alors parfois traduire par lieu, termes qui impliquent une forme de « tournant spatial » des pratiques artistiques contemporaines.

Un site est un lieu, ou plutôt il exprime les qualités de celui-ci. La géographie classique l’oppose à la situation, qui considère le lieu dans ses interactions avec d’autres espaces. Traditionnellement, la notion véhicule une forte référence aux caractéristiques naturelles d’un espace, censées en donner une clé d’interprétation dominante (approches déterministes) ou à tout le moins très présente (« possibilisme »). La pratique artistique s’est emparée du terme à partir des années 1960 et du développement de l’art conceptuel, adjoignant aux qualités d’ancrage d’un lieu une dimension active. Pour ma part, je questionne les manières dont les interventions artistiques contemporaines informent et transforment ces mots-clés de l’analyse géographique.

Le questionnement de l’espace dans lequel se produit le processus de création esthétique devient central au moment où les artistes rejettent la centralité de l’objet et de la représentation il détrône l’objet et sa forme. Le site devient dès lors performatif en soi, et va porter et permettre des pratiques, qui peuvent ou pas lui être spécifiques (on parle en Anglais d’art « site-specific » ou bien « non site-specific »). Cette spécificité se joue dans la relation unique entre le travail de l’artiste et le lieu dans lequel il est produit. Celle-ci est d’ailleurs multidimensionnelle : le site ne fait pas qu’inspirer l’œuvre, il la réalise et, en retour, est transformé par sa présence : l’artiste Denis Oppenheim parle de « surface activée », et la géographe Anne Volvey a même proposé de parler d’« objet-lieu d’art », pour exprimer combien le lieu constitue plus qu’un élément de contexte de la création : il contribue à œuvrer ce qui constitue le processus artistique.

Le land-art apparaît souvent comme l’une des expressions les plus manifestes du jeu avec le site, comme en témoigne les œuvres d’artistes qui transforment les lieux (de manière plus ou moins éphémère : le « Boundary split » creusé dans la neige par Denis Oppenheim en 1968 ou la « Spiral Jetty » de Robert Smithson, créée en déplaçant des blocs en 1970 et encore visible aujourd’hui). L’artiste R. Smithson a néanmoins souhaité le rapport au site en proposant des « non-sites », à savoir des pièces de land-art présentées hors sol et définies par lui comme des « indoor earthwork » (1968) : il s’agit d’installations qui à la fois représentent un site et le dépassent, par l’introduction d’une dimension métaphorique qui permet de relier les lieux entre eux. Il questionne de ce fait, et notamment dans son installation Pine Barrens, non plus seulement le lieu lui-même mais le faisceau de relations dans lequel il s’inscrit, et notamment ce qui se produit dans le « voyage » entre le site et le non-site. Il ouvre par là-même sur des pratiques très ouvertes du site dans les différents champs de l’art. La performance est l’un des domaines où le rapport au site a pris une importance considérable, le corps du.de la performeur.se catalysant de multiples manières le potentiel d’un lieu. On l’oublie trop souvent, mais l’enjeu du site concerne aussi le récepteur de la création, qui contribue à l’œuvrer, soit dans l’instant de la performance dont il est le public, soit dans ses traces qu’il découvre ailleurs.

Dans mon travail d’analyse du « border art », l’art produit sur et/ ou à propos des frontières, la notion de « site-specificity » joue un rôle essentiel, même si toutes les œuvres concernées par cette catégorie ne sont pas liées à un lieu particulier. Cependant la notion ne me satisfait pas complètement, et je joue sur le binôme site-situation pour travailler une spécificité situationnelle qui me semble plus juste pour parler de la création dans un espace frontalier qui ne se définit que par la relation aux territoires qu’il borde. Les œuvres et les objet-lieux de « border art » se multiplient depuis les années 1990, mais surtout 2000, en réaction à la spectacularisation de la sécurisation des frontières et, de façon étonnante, ils se répondent entre eux à travers des liens esthétiques et politiques puissants. M’inspirant de la notion littéraire d’intertextualité, je travaille la notion d’« inter-visualité » (Amilhat Szary, 2020) pour mettre en avant la façon dont le rapport aux lieux se construit dans une relation complexe et multiscalaire entre l’ici et l’ailleurs que la notion de site offre l’avantage de mettre en avant, mais tout en la réduisant considérablement.

Pour prolonger :

Anne-Laure Amilhat Szary, « Borders: the topos of/for a post-politics of images? », Border Images, Border narratives. The political aesthetics of boundaries and crossings, Johan Schimanski, Jopi Nyman dirs., Manchester: Manchester University Press, 2020, pp.151‑67

Pour citer : Anne-Laure Amilhat Szary, « Site », Performascope : Lexique interdisciplinaire des performances et de la recherche-création, Grenoble : Université Grenoble Alpes, 2021, [en ligne] : http://performascope.univ-grenoble-alpes.fr/fr/detail/177909