« Spectacle, et spécialement le spectacle du monde : l’anglais dit scenery pour le paysage pris dans ce sens. »
Roger Brunet, Robert Ferras, Hervé Théry, « Scène », in Les mots de la géographie. Dictionnaire critique, Montpellier-Paris : GIP Reclus-La Documentation française, 1992, p.447
« Comme le terme théâtre migre de la salle à la scène pour désigner l’édifice dans son ensemble et l’art auquel il est dédié, le mot scène a essaimé pour désigner d’autres réalités et objets d’étude que le théâtre. […] la notion de scène est liée à un processus d’apparition (expliquant que l’on parle souvent d’émergence ou de révélation), de manifestation (impliquant un assentiment ou un dissentiment relatif à un effet d’adhésion ou de rejet, à un sentiment d’appartenance ou non) et de distinction (impliquant un objectif d’identification d’une singularité et un désir de reconnaissance) mettant en relation tout un ensemble d’acteurs au sens large. Dans son action de publicisation, la scène entrelace trois mouvements : un mouvement d’émission et d’expression, un mouvement de médiation et d’édition, un mouvement de réception et de réaction, dont elle organise l’articulation en cherchant à se rendre identifiable. Dans tous ses états figurés, la scène doit être rattachée à la problématique de l’espace public, telle qu’Habermas l’a définie : tout processus de formation d’une scène vise à établir un dispositif symbolique de figuration et de configuration d’un collectif donné, en cherchant à le rendre visible et sensible à ceux qui en sont les participants, acteurs et spectateurs et, au-delà, jusqu’au monde entier. Les facteurs d’apparition, de manifestation et de distinction sont donc au cœur de ce dispositif relationnel. Apparaître n’est pas une nécessité secondaire : c’est l’objectif premier de toute scène. La scène est par essence phénoménologique, liée à la question de la présence et de la co-présence, impliquant dans le jeu de représentation et de rassemblement qu’elle instaure, un échange réciproque, porteur de sens et de valeur. »
Marcel Freydefont, « Scène, scènes, essaimage d’un mot », L’Observatoire, 1, 47, 2016, pp.14-16
« La reconfiguration intermédiale de la scène transforme le plateau théâtrale en une scène de nature posthumaine qui accorde une place aussi importante au dispositif technologique qu’à l’acteur. Cette mutation apparaît sous de multiples aspects et provoque des changements en ce qui concerne l’interprète, sa façon de jouer, sa présence et son statut. »
Isabella Pluta, L’acteur et l’intermédialité. Les nouveaux enjeux pour l’interprète et la scène à l’ère technologique, Lausanne : L’Age d’Homme, 2011, p.75
« La scène, lieu de présence, nous renvoie toujours, non seulement à ce qui pourrait être, mais bien aussi à ce que partagent déjà artistes et spectateurs pour le meilleure et pour le pire, dans une histoire, une culture, une langue ou des traditions communes. Si tous ces éléments exigent d’être « distanciés » c’est bien d’abord parce qu’ils nous touchent de trop près, et trop en profondeur. […] La scène peut être un lieu de bouleversement pour les hommes qui sont rassemblés autour d’elle ; mais cela s’entend en un sens émotionnel autant que politique. »
Matthieu Haumesser, L’Autre Scène. Philosophie du théâtre, Paris : Vrin, 2018, p.149