Dramaturgie Dramaturgy

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Définition

La notion polysémique de dramaturgie trace tous les ponts possibles entre le texte théâtral et la scène. Elle désigne donc à la fois l’art de la composition des pièces de théâtre, l’étude des choix formels opérés par un·e auteur·ice dans la composition d’une pièce, mais aussi le processus de passage du texte à la scène ainsi que l’analyse de la poétique de la représentation. Dans une perspective performative, elle désigne aussi les logiques de composition des actions scéniques (selon des approches narratives, chorégraphiques ou encore plastiques).

Pour citer : « Dramaturgie », Performascope : Lexique interdisciplinaire des performances et de la recherche-création, Grenoble : Université Grenoble Alpes, 2021, [en ligne] : http://performascope.univ-grenoble-alpes.fr/fr/detail/177817

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Date de création : 2021-06-14.

Dernière modification : 2022-07-06.

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Bibliographie

« Trying to explain in my own words the technical terminology of my own theatre tradition, I defined ‘dramaturgy’ according to its etymology: drama-ergon, the work of the actions. Or rather: the way the actor’s actions enter into work. For me, dramaturgy was not a procedure belonging only to literature, but a technical operation which was inherent in the weaving and growth of a performance and its different components. »

Eugenio Barba, On directing and dramaturgy: burning the house, Londres : Routledge, 2010 [2009], p. 8


« Le rapport de tous les systèmes signifiants utilisés dans la représentation et dont l'agencement et l'interaction forment la mise en scène »

Patrice Pavis, Dictionnaire du théâtre, Paris : Dunod, 1996, p.357


« Puisqu'on peut parler de dramaturgie d'un film, d'un match de football, voire d'une œuvre musicale, il est clair qu'un roman, dans la mesure où il organise une action, ordonne un espace et une temporalité, invente des personnages, obéit à une “dramaturgie”. Si les guillemets s'imposent ici, c'est que ces emplois du mot sont métaphoriques. Je dirais que pour qu'il y ait dramaturgie, il faut que soient mis en jeu (et en relation) trois termes, ou trois forces : l'action, la pensée... et le théâtre. Pour qu'il y ait, sans métaphore, dramaturgie, il faut donc qu'il y ait organisation de l'action en vue de la scène. Peut-être est-ce cela l' “activation de l'action”, qui propulse celle-ci simultanément sur ses deux terrains de jeu : l'action représentée, l'action de représenter. »

Joseph Danan, Qu'est-ce que la dramaturgie ?, Arles : Actes sud-papiers, 2010, p.50


« Si tout le monde s’accorde à dire que l’un des fondements de la dramaturgie […] est de mettre la focale sur “le passage du texte à la scène” et la prise en compte de tous les autres éléments non textuels, qui entrent dans l’économie de la représentation ou du spectacle, le rôle exact de dramaturge dans le sens dramaturg, quant à lui, s’est décliné tout le long de ces deux derniers siècles, surtout avec l’émergence de la figure du metteur en scène au XIXe siècle, en une infinité de tâches “qui varient considérablement d’un pays ou d’une institution à l’autre, à tel point qu’on est en droit de se demander si elles participent de la même activité”. »

Khalid Amine, Omar Fertat, « Éditorial », Horizons/théâtre, 6, 2016, p.5

Études en informatique
Rémi Ronfard, Univ. Grenoble Alpes, Inria, CNRS, Grenoble INP, LJK, 38000 Grenoble, France

J’ai une formation d’ingénieur et j’ai fait toute ma carrière dans la recherche en informatique, d’abord dans l’industrie puis à l’Inria, où je suis actuellement directeur de recherche. Le terme de dramaturgie s’est imposé à moi lorsque j’ai commencé à travailler dans le domaine de la reconnaissance des actions dans les vidéos. J’ai été recruté à l’Inria sur un programme de recherche intitulé « des séquences d’images aux séquences d’actions » qui est également le titre de mon habilitation à diriger des recherches (Ronfard 2010). Le tissage des actions dans les images est ainsi devenu un leitmotiv dans ma carrière de chercheur, avec des allers et retours incessants entre l’analyse (comment reconnaître les actions tissées dans les images) et la synthèse (comment représenter les actions en images). Sous l’influence du théoricien du théâtre Eugenio Barba, qui définit la dramaturgie comme l’art et la science du tissage des actions (drama-ergon), j’ai été amené à considérer mon propre travail comme une forme très particulière de dramaturgie.

Dans deux articles assez spéculatifs (Gagneré 2016, Ronfard 2016), j’ai soumis l’idée que je pourrais fonder une dramaturgie numérique en choisissant seulement des actions que mes programmes pouvaient simuler et reconnaître automatiquement. Ce serait une sorte de « théâtre pour ordinateur », une dramaturgie pouvant être appréciée par des intelligences artificielles. Mais aussi une dramaturgie susceptible d’être jouée par des acteurs virtuels et éclairée par des machines autonomes, qui ouvrirait aux auteurs de théâtre des perspectives nouvelles pour représenter sur scène des mondes intérieurs ou imaginaires.

Dans le cadre du Performance Lab, nous avons passé en revue quelques exemples récents de dramaturgies en réalité augmentée (Borrel 2019), et nous avons remarqué qu’elles sont souvent mises au service de textes classiques, qui ne justifient pas toujours le recours aux techniques numériques. Ou alors, ces dramaturgies explorent les nouvelles technologies et les mettent en scène, au lieu de s’en emparer pour raconter de nouvelles histoires.

Certaines dramaturgies numériques actuelles consistent à mettre en scène des textes écrits par des intelligences artificielles. Bien que cela puisse produire des effets spectaculaires, cela me parait un projet plutôt vain. L’option inverse, d’un texte dramatique écrit par un auteur humain spécifiquement pour les scènes numériques, me semble plus prometteuse.

C’est peut-être le sens qu’il faudrait donner au terme de dramaturgie numérique, celle d’un tissage algorithmique des actions humaines dans des mondes virtuels spectaculaires. C’est une perspective qui demeure lointaine et nécessite des recherches laborieuses tant dans le domaine de la vision par ordinateur que celle de l'informatique graphique. J’espère qu’il y aura des dramaturges pour s’emparer de ces nouvelles possibilités et repousser les limites du théâtre dans de nouvelles directions créatives.

Pour prolonger :

Gillian Borrell, Rémi Ronfard, Julie Valero, « Dramaturgies de la Réalité Augmentée », Journées d'Informatique Théâtrale, Grenoble, 2019 [en ligne] :  https://tel.archives-ouvertes.fr/LJK/hal-02471493v1 (03/11/21)

Georges Gagneré, Rémi Ronfard, Myriam Desainte-Catherine, « La simulation du travail théâtral et sa « notation » informatique », in Monique Martinez, Sophie Proust dirs., La notation du travail théâtral: du manuscrit au numérique, Manage : Lansman, 2016 [en ligne] : https://hal.univ-grenoble-alpes.fr/hal-00768897/ (03/11/21)

Rémi Ronfard, « Analyse automatique de films : Des séquences d’images aux séquences d’actions », Sarrebruck : Éditions universitaires européennes, 2010 [en ligne] : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00450230 (03/10/21)

Rémi Ronfard, « Notation et reconnaissance des actions scéniques par ordinateur », in Monique Martinez, Sophie Proust dirs., La notation du travail théâtral : du manuscrit au numérique, Manage : Lansman, 2016 [en ligne] : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01389847 (03/10/21)

Pour citer : Rémi Ronfard, « Dramaturgie », Performascope : Lexique interdisciplinaire des performances et de la recherche-création, Grenoble : Université Grenoble Alpes, 2021, [en ligne] : http://performascope.univ-grenoble-alpes.fr/fr/detail/177817


Études théâtrales
Julie Valero, Univ. Grenoble Alpes, CNRS, Litt&Arts, 38000 Grenoble, France

Spécialiste des formes scéniques contemporaines et des processus de création, j’ai toujours pratiqué la dramaturgie en marge de mes enseignements en arts du spectacle et de mes champs de recherche, à un moment où celle-ci n’était pas considérée comme partie prenante de ceux-là. Les terrains menés dans le cadre du Performance Lab, entre 2018 et 2020, en collaboration avec le chercheur en informatique Rémi Ronfard et la compagnie tf2-Jean-François Peyret, ont donc été pour moi les premiers à être pleinement inclus dans une démarche de recherche.

Le terme « digital dramaturgy » a été formé en amont du dépôt de projet par Rémi Ronfard et moi-même pour désigner tout à la fois un geste artistique et le développement de nouvelles méthodologies de travail. Cette double entrée était le cœur de notre collaboration : choisir, pour développer des outils numériques à destination du secteur professionnel du spectacle vivant, des artistes dont l’identité artistique était marquée par un intérêt pour ces environnements digitaux.

Les « dramaturgies digitales » désignent donc, dans un premier mouvement, des environnements numériques de travail susceptibles de mettre au service d’équipes artistiques – et particulièrement du pôle mise en scène-dramaturgie – des outils simples, malléables capables de traiter une grande quantité de données en peu de temps, tout en conservant et construisant une forme de mémoire du travail en cours. Les terrains menés avaient pour vocation d’évaluer les besoins des équipes, tout en mesurant l’adéquation entre les outils existants et les pratiques en vigueur en répétitions. En effet, l’usage d’outils vidéos, la grande quantité de données tant textuelles que sonores ou visuelles accumulées durant un processus de répétition, par plusieurs acteurs du terrain (assistant·e, metteur·e en scène, interprète, régisseur·e), posent tout à la fois la question de leur stockage, de leur organisation, de leur partage et de leur réutilisation. L’outil développé, Kino Ai[1], s’inscrit dans une lignée d’autres propositions allant dans ce sens (Les Cahiers du Studio du Studio-Théâtre de Vitry ou encore Rekall de Clarisse Bardiot, en collaboration avec Buzzing Light et Thierry Coduys).

Dans un second mouvement, le terme « digital dramaturgy » me semble devoir être élargi à ce que je nomme les « dramaturgies médiatiques », c’est-à-dire des dramaturgies en partie informées par les environnements numériques dans lesquels elles prennent naissance. L’usage de service de stockage et de partage de fichiers, d’outils d’écriture collaborative ou tout simplement l’intégration de recherches web aux pratiques d’écriture n’est évidemment pas sans effet sur celles-ci, comme le prouvent les travaux de nombre d’artistes, qu’il s’agisse du duo Barbara Matijevic et Giuseppe Chico, de la metteuse en scène Émilie Rousset ou encore du Joli Collectif, à Hédé-Bazouges. Le Petit Bréviaire à l’usage des animaux humains du XXIe siècle, de Jean-François Peyret, dont nous avons suivi le premier volet en février 2020 avec l’équipe de Dramaturgies numériques à Grenoble, devait lui aussi être l’occasion de développer des dramaturgies médiatiques, en incluant ces pratiques numériques à l’écriture même de la partition textuelle : il s’agissait en effet de tester comment Kino Ai, au-delà d’être un simple « outil », pouvait aussi devenir générateur d’écritures multimédiatiques en proposant un accès à différentes séquences dramaturgiques et un outil de montage de celles-ci. Les confinements successifs dus à la COVID-19 ont eu raison de cette partie du programme.

[1] https://team.inria.fr/imagine/kino-ai/

Pour citer : Julie Valero, « Dramaturgie numérique », Performascope : Lexique interdisciplinaire des performances et de la recherche-création, Grenoble : Université Grenoble Alpes, 2021, [en ligne] : http://performascope.univ-grenoble-alpes.fr/fr/detail/177817

Michel Bataillon, et al., « Cinquante ans au service de la dramaturgie : entretien avec Michel Bataillon par Alice Carré, Sylvain Diaz et Barbara Métais-Chastanier », Agôn, 2011, [en ligne] : http://journals.openedition.org/agon/1922 (06/05/21)

Guy Cools, « De la dramaturgie du corps en danse », Jeu, 3, 116, 2005, [en ligne] : https://id.erudit.org/iderudit/24810ac (06/05/21)

Jacob Gallagher-Ross, Miriam Felton-Dansky éds., « Digital Dramaturgies », numéro special de Theater, 42, 2, 2012

Thomas LaRonika, « Digital dramaturgy and digital dramaturgies », in The Routledge Companion to Dramaturgy, Magda Romanska dir., Oxon : Routledge, 2015, pp.506-511

Diane Moquet, Karine Saroh, Cyril Thomas dirs., Contours et détours des dramaturgies circassiennes, Châlons-en-Champagne : Chaire ICiMa, 2020