Partition Score

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Brève définition des termes pour donner le cadre de leur portée théorique et disciplinaire.

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Textes rédigés par des chercheurs/artistes à partir de l’expérience de leur terrain d’étude.

Bibliographie

Sources bibliographiques prolongeant les citations.

Définition

Emprunté au champ de la musique, le terme « partition » désigne formellement un support présentant des signes graphiques issus d’un système de notation, et dont la lecture par des interprètes permet l’exécution d’une oeuvre préalablement écrite. Dans le champ des arts vivants, la réalisation de partitions sert de nombreux usages : elle peut être un support pour la réalisation d’une performance, l’enregistrement d’une œuvre, ou un outil d’improvisation en situation de création. Contrairement à la musique, de nombreux systèmes de notation du mouvement ou de la mise en scène co-existent, sans qu’aucun ne parvienne à s’imposer.

Pour citer : « Partition », Performascope : Lexique interdisciplinaire des performances et de la recherche-création, Grenoble : Université Grenoble Alpes, 2021, [en ligne] : http://performascope.univ-grenoble-alpes.fr/fr/detail/177553

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Date de création : 2021-06-08.

Dernière modification : 2022-06-29.

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Citations

Bibliographie

« [Une partition est] une forme d’organisation graphique, mobilisant des processus de symbolisation spécifiques qui, pour les interprètes, sont autant d’indications configurant l’exécution […] le critère déterminant est que les artistes, quelle que soit leur fonction, inventent des manières protocolaires de transcrire, guider ou prescrire la performance (vocale, physique, spatiale) de l’interprète. »

Julie Sermon, « Partition(s) : processus de composition et division du travail artistique », in Partition(s) : objet et concept des pratiques scéniques, 20e et 21e siècles, Yvane Chapuis et Julie Sermon dirs., Dijon : Presses du réel, 2016, p. 44

« La partition n’a pas de bords. Elle est extensive au point que tout événement concomitant ou non, lointain ou proche, visible ou invisible, l’infiltre, l’affecte, et la ré-oriente à chaque instant. […] Les partitions sont partout. Elles peuvent revêtir une infinité de formes et de natures. […] Même une liste d’achats ou un calendrier, par exemple, sont des partitions. »

Laurence Louppe, Poétique de la danse contemporaine. La suite, Bruxelles : Contredanse, 2007, p.23   

Études en informatique
Rémi Ronfard, Univ. Grenoble Alpes, Inria, CNRS, Grenoble INP, LJK, 38000 Grenoble, France

Arts Santé
Léa Andréoléty, Univ. Grenoble Alpes, CNRS, Litt&Arts, 38000 Grenoble, France

Études en informatique
Rémi Ronfard, Univ. Grenoble Alpes, Inria, CNRS, Grenoble INP, LJK, 38000 Grenoble, France

J’ai une formation d’ingénieur et j’ai fait toute ma carrière dans la recherche en informatique, d’abord dans l’industrie puis à l’Inria, où je suis actuellement directeur de recherche. Pendant mon doctorat, j’ai eu la chance de pouvoir travailler très tôt sur des séquences d’images, à une époque où cela nécessitait de puissantes machines graphiques très rares et très précieuses. Cela m’a amené à me poser très tôt la question de la description de ces séquences. Les chercheurs en informatique musicale avaient la partition musicale, qui décrit symboliquement une pièce de musique enregistrée. Pour les chercheurs en informatique graphique, il n’existait pas de « partition graphique » décrivant symboliquement les formes en mouvements contenues dans un fichier vidéo. Plusieurs langages existaient pour décrire symboliquement chaque image, mais aucun ne décrivait leur arrangement dans le temps.

Après ma thèse, j’ai rejoint l’Institut National de l’Audiovisuel, où j’ai découvert que les chercheurs du Groupe de Recherche Musical (GRM) n’utilisaient pas les partitions traditionnelles, mais d’autres notations qui leur étaient propres. En effet la « musique concrète » qu’ils composaient ne rentrait pas dans le cadre strict de la musique tonale. J’ai découvert en même temps que les storyboards et les feuilles d’expositions pouvaient servir de partitions pour la création de dessins animés. Mais avec une différence notable, c’est qu’ils n‘étaient généralement destinés qu’à une seule exécution.

Selon Nelson Goodman, la partition musicale est le parfait exemple d’un langage de notation qui permet l’identification d’une œuvre « allographique », pouvant être exécutée plusieurs fois. La partition définit la classe de toutes les exécutions possibles de l’œuvre. Elle peut être établie à partir d’une seule exécution et elle permet de reconnaître l’œuvre dans chacune de ses exécutions. De même, le texte de théâtre définit l’ensemble des représentations qui peuvent en être données, essentiellement par la transcription exacte des paroles qui y sont prononcées. En revanche, la mise en scène ne constitue pas une œuvre selon Goodman car elle ne peut pas être notée. Mais qu’est-ce qui interdit de penser que les mouvements, gestes et mimiques qui constituent une mise en scène soient notés avec suffisamment de précision pour constituer une œuvre ? Dans ce cas, la notation jouerait son rôle de partition théâtrale. Elle permettrait de transcrire l’œuvre de mise en scène à partir d’une seule représentation, et de reconnaître l’œuvre dans toutes ses représentations successives (Ronfard 2016).

Comme dans le cas de la musique, il semble vraisemblable que plusieurs langages de partitions soient nécessaires pour noter les nombreux « dialectes » de la mise en scène théâtrale (Gagneré 2016). Certaines notations de la danse sont déjà utilisées comme partitions de l’œuvre chorégraphique, mais elles sont complexes et difficiles à transcrire et à lire. Dans les deux cas (danse et théâtre), la science informatique permettrait de généraliser l’usage des partitions, si elle pouvait proposer des méthodes fiables et efficaces de transcription et de lecture automatique. Ce sont des sujets que nous explorons actuellement dans mon équipe de recherche (Garcia 2019, Garcia 2020, Schwarz 2021).

Pour prolonger :

Georges Gagneré, Rémi Ronfard, Myriam Desainte-Catherine. La simulation du travail théâtral et sa « notation » informatique. Monique Martinez; Sophie Proust. La notation du travail théâtral : du manuscrit au numérique., Lansman, 2016

Maxime Garcia, Rémi Ronfard. « Recognition of Laban Effort Qualities from Hand Motion ». International Conference on Movement and Computing, juillet 2020

Maxime Garcia, Rémi Ronfard, Marie-Paule Cani. « Spatial Motion Doodles: Sketching Animation in VR Using Hand Gestures and Laban Motion Analysis. » ACM SIGGRAPH Conference on Motion, Interaction and Games, octobre 2019

Rémi Ronfard. « Notation et reconnaissance des actions scéniques par ordinateur ». Monique Martinez; Sophie Proust. La notation du travail théâtral : du manuscrit au numérique., Lansman, 2016

Élisabeth Schwartz, Sarah Fdili Alaoui et Rémi Ronfard. « Archive interactive Isadora Duncan », Exposés de recherche et de notation, Centre National de la Danse, 19 janvier 2021

Pour citer : Rémi Ronfard, « Partition », Performascope : Lexique interdisciplinaire des performances et de la recherche-création, Grenoble : Université Grenoble Alpes, 2021, [en ligne] : http://performascope.univ-grenoble-alpes.fr/fr/detail/177553

Arts Santé
Léa Andréoléty, Univ. Grenoble Alpes, CNRS, Litt&Arts, 38000 Grenoble, France

Le concept de partition s’inscrit, au sein de ma recherche de doctorat comme un outil d’exploration et de médiation. Je déroule cette recherche dans le champ interdisciplinaire des humanités médicales, d’une part en arts de la scène, avec une étude de l’improvisation théâtrale, de la danse et des pratiques somatique et de l’autre en pédagogie des sciences infirmières. Le croisement de ces disciplines et pratiques a pour objectif d’observer et de questionner les enjeux performatifs dans la construction corporelle en formation infirmières en proposant une pratique pédagogique aux étudiant.es futur.es inifrmier.es, sous la forme d’ateliers régulier durant leurs trois ans de formation. La partition est un outil de travail que j’utilise d’une part pour la préparation des ateliers à destination des étudiant.es infirmier.es participant.es à cette recherche, et d’autre part comme pratique pédagogique au sein même de ces ateliers, dans le but d’observer, d’explorer, de définir le mouvement et l’action dans le corps, l’espace et le temps.

Je n’ai rencontré la notion de partition transposée en études de la performance qu’au début de ma recherche de doctorat, dans l’ouvrage Partition(s) : objet et concept des pratiques scéniques (XXe et XXIe siècles), de Julie Sermon et Yvane Chapuis. Celles-ci mettent en lien la construction d’une partition et le processus de travail dans la mise en œuvre d’une recherche.

Les chercheuses évoquent notamment la notion de partition-transcription, qui possède un double niveau de lecture : elle est comprise d’une part comme outil de synthétisation de l’information à un méta-niveau (comme données à analyser pour la recherche) et d’autre part comme outil d’observation, de compréhension et d’organisation du corps et de l’action au sein même de cette action. C’est dans cette perspective que j’utilise cet outil : comme objet-outil de structuration de l’action et comme objet inter-artistique et intermédial permettant d’observer l’action au travers de sa transcription

La partition, en sa qualité d’outil graphique et visuel, est employée comme moyen de structuration des ateliers : le travail sur la dynamique de groupe, le choix des pratiques utilisées, le lien entre ces différentes pratiques artistiques et corporelles, mais aussi comme moyen d’observer, d’éprouver et d’expérimenter la performativité du corps des futur.es professionnel.les de santé. Les étudiant.es sont ainsi invité.es à utiliser et créer des partitions (avec une grande liberté graphique) pour travailler sur l’observation, la représentation, l’exploration, puis mener un travail de compréhension et d’analyse des enjeux performatifs de leur mouvements, gestes et postures. C’est donc un outil d’organisation sensoriel et graphique permettant de rendre compte, au sein d’un exercice, d’un corps en mouvement par exemple, d’un geste précis, ou d’une action plus complexe. La partition permet en effet de faire co-exister plusieurs modalités d’actions (analyse de mouvement, sensorialité, déroulement technique d’une action de soin par exemple), dans une structure temporelle, spatiale et corporelle précise.

L’expérimentation de terrain me permet de questionner en continu le cadre (pédagogique, éthique, relationnel) de l’atelier, et en conséquence les outils pour créer, structurer, maintenir et transcender ce cadre. Aussi, mon utilisation de la partition comprend-elle à la fois la construction de l’action, le guidage des ateliers, le support à la voix et au corps, autant que la structure de ma propre performativité au sein de ce cadre pédagogique. Aussi la partition, comme cadre du temps et de l’espace, peut-elle être un outil approprié pour structurer les ateliers, car elle permet de poser un cadre clair et précis au déroulé de l’action, tout en tenant compte de l’évolution de celle-ci (en adéquation avec la démarche de recherche-action, et donc de repositionnement permanent en tant qu’intervenante).

Pour citer : Léa Andréoléty, « Partition », Performascope : Lexique interdisciplinaire des performances et de la recherche-création, Grenoble : Université Grenoble Alpes, 2021, [en ligne] : http://performascope.univ-grenoble-alpes.fr/fr/detail/177553

Yvane Chapuis, Julie Perrin, Composer en danse : un vocabulaire des opérations et des pratiques, Dijon : les Presses du réel, 2020

Bojana Cvejić, Marc Downie, Mark Franko, Paul Kaiser, Benjamin Piekut, Frédéric Pouillaude, Kate van Orden, Edward C. Warburton, « La partition musicale et chorégraphique », Perspective, 2, 2019, [en ligne] : http://journals.openedition.org/perspective/14431 (05/05/21)

Julie Sermon, Partition(s): objet et concept des pratiques scéniques (20e et 21e siècles), Dijon : Presses du réel, 2016