Narration Narration

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Textes rédigés par des chercheurs/artistes à partir de l’expérience de leur terrain d’étude.

Bibliographie

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Définition

Relation d’un fait ou d’une suite de faits, la notion de narration désigne plus particulièrement le récit détaillé exprimé au cœur d’une œuvre artistique. L’étude de la narration s’intéresse aux relations entre le discours narratif (le récit) et l’acte narratif qui le produit, entre le récit et l’histoire (les événements relatés). Elle ouvre l’analyse à toute la diversité des formes médiatiques de narration (musique, danse, théâtre, cinéma, jeu vidéo). La performance qui a souhaité échapper à la question du récit, établie comme racontant en elle-même quelque chose, y revient parfois sous la forme de performances narratives. Depuis les années 1970, la narratologie s’individualise comme discipline dédiée à l’étude scientifique des structures du récit.

Pour citer : « Narration », Performascope : Lexique interdisciplinaire des performances et de la recherche-création, Grenoble : Université Grenoble Alpes, 2021, [en ligne] : http://performascope.univ-grenoble-alpes.fr/fr/detail/177557

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Date de création : 2021-06-08.

Dernière modification : 2022-06-29.

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Bibliographie

« Il ne s’agit ni du récit fait par un personnage, comme le récit du messager dans la tragédie classique, ni des récits à l’intérieur d’une œuvre dramatique, mais de deux choses : d’une part, l’acte de narrer, le narrative discourse, c’est-à-dire la manière dont le théâtre (texte et/ou scène) raconte une histoire ; d’autre part, le résultat de cette narration, le récit, la fable. »

Patrice Pavis, « Chapitre 13. Vers un retour de la narration ? », dans : L’analyse des textes dramatiques. De Sarraute à Pommerat, sous la direction de Pavis Patrice. Paris, Armand Colin, « U », 2016, p.235

« Pour comprendre la pertinence initiale du concept d’identité narrative, il faut le replacer dans le cadre d’une interrogation sur l’identité personnelle, élaborée tout particulièrement par la tradition empiriste héritée de Hume. Le problème se formule en ces termes : existe-t-il une permanence du sujet à travers la multiplicité de ses expériences ? »

Johann Michel, « Narrativité, narration, narratologie : du concept ricœurien d’identité narrative aux sciences sociales », Revue européenne des sciences sociales [en ligne], XLI-125 | 2003, mis en ligne le 01 décembre 2009, consulté le 29 octobre 2020. URL : http://journals.openedition.org/ress/562 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ress.562 

Études en littérature
Marie Mianowski, Univ. Grenoble Alpes, ILCEA4, 38000 Grenoble, France

Études en informatique
Rémi Ronfard, Univ. Grenoble Alpes, Inria, CNRS, Grenoble INP, LJK, 38000 Grenoble, France

Études en littérature
Marie Mianowski, Univ. Grenoble Alpes, ILCEA4, 38000 Grenoble, France

Professeure de littératures anglophones, je travaille sur les représentations de l’espace et du temps dans la littérature des pays de l’ancien empire britannique. Je m’intéresse à la manière dont le lieu (« place » en anglais) et « home » sont représentés, en particulier dans des contextes de migration et de création transculturelle. La narration de fiction est donc au cœur de mon travail d’enseignante et de chercheuse.

À l’époque de mes études à Paris au début des années 1990, les analyses narratologiques étaient en plein essor. La narration devait alors être formalisable sous forme de tableaux. Le narrateur avait un narrataire implicite ou pas. Dans le meilleur des cas, l’analyse des procédés narratifs aboutissait à l’élaboration d’un carré sémiotique. Ce genre d’analyse avait sa beauté. Mais entre les lectures narratologiques et l’écriture très codifiée des exercices universitaires français, j’ai mis du temps à me défaire de cette approche de la narration que je considérais même à l’époque comme un carcan.

J’emploie le terme narration au sens de récit, « narrative » en anglais. Mais par rapport au mot « récit » j’apprécie pour ce texte le suffixe « -tion » de narration qui met en valeur le déroulé, le processus de déploiement de l’histoire. Aujourd’hui, la narration est pour moi le déploiement d’une voix avant d’être une forme. Mon regard et mon oreille de lectrice se laissent d’abord saisir par les échos, les ellipses, les non-dits, les rythmes. Je cherche à lire dans quels temps et quels lieux (contextuels mais aussi matériels) la voix narrative ou les voix narratives élaborent le récit, par quels méandres la narration se faufile, tisse du sens hors cadre, par la musicalité, le rythme, les effets de résonance. Seulement dans un deuxième temps et parfois même assez tardivement dans le processus de lecture, je regarde de plus près la structure du texte, sa forme, ses cadres, ses seuils.

Par le jeu des voix, la narration offre un point de vue, possiblement plusieurs. C’est quand la narration de fiction démultiplie les points de vue qu’elle devient paradoxalement unique, car elle surpasse alors toutes les autres formes de discours, qu’ils soient philosophiques, sociologiques, politiques, donnant accès à une pluralité de perspectives, parvenant même à évoquer l’au-delà des mots et ce qui ne peut se dire.

Les textes que je lis avec mes étudiants et pour ma recherche sont des textes issus de la littérature anglophone, mais l’anglais n’est pas toujours la langue maternelle des auteur.e.s. La narration emprunte parfois son rythme à une tradition orale, aux contes dans des contextes socio-historiques qui se disent alors dans la langue du colonisateur ou de l’oppresseur. La narration est dans ce cas une façon de relier deux histoires, de les confronter. Pour finir, plutôt que de parler autour de la narration je souhaite en offrir deux exemples : une nouvelle que je chéris depuis trente ans exactement : « Kew Gardens » de Virginia Woolf qui fait partie du recueil A Haunted House mis en forme et publié par Leonard Woolf en 1944 trois années après la mort de Virginia Woolf ; et une autre découverte il y a peu : «The Thing Around Your Neck » (2009) de Chimamanda Ngozi Adichie.

Pour prolonger :

Mianowski, Marie. Irish Contemporary Landscapes in Literature and the Arts (Palgrave, 2012)

Mianowski, Marie. Post Celtic Tiger Landscapes in Irish Fiction (Routledge 2016)

Mianowski, Marie. « Making Room: Place and Placelessness in Jhumpa Lahiri’s “Hema and Kaushik” in Unaccustomed Earth’ », Edited by Pascale Tollance and Omhovère, Claire. Commonwealth Essays and Studies 42.2/2020, septembre 2020. https://journals.openedition.org/ces/2172?lang=fr

Pour citer : Marie Mianowski, « Narration », Performascope : Lexique interdisciplinaire des performances et de la recherche-création, Grenoble : Université Grenoble Alpes, 2021, [en ligne] : http://performascope.univ-grenoble-alpes.fr/fr/detail/177557

Études en informatique
Rémi Ronfard, Univ. Grenoble Alpes, Inria, CNRS, Grenoble INP, LJK, 38000 Grenoble, France

J’ai une formation d’ingénieur et j’ai fait toute ma carrière dans la recherche en informatique, d’abord dans l’industrie puis à l’Inria, où je suis actuellement directeur de recherche.

Mon équipe de recherche ANIMA a pour principale thématique la création et la mise en scène des mondes virtuels narratifs. Dans le monde anglo-saxon, on parle volontiers de « story world » pour décrire le monde fictif qui est représenté dans un film d’animation 3D ou un jeu vidéo. Le terme de monde narratif tente de traduire cette notion simple, et soulève des questions théoriques assez intéressantes pour la science informatique.

À l’origine, les mondes narratifs sont décrits par des mots, sous la forme d’un scénario. Le scénario est lui-même une forme littéraire très particulière, qui raconte au présent le déroulement d’un film ou d’un jeu qui n’existe pas encore. Les chercheurs de mon équipe s’intéressent précisément aux différentes étapes de création qui permettent de passer des mots du scénario aux images du film ou du jeu. La représentation intermédiaire entre les mots et les images est pour nous géométrique et consiste en une description précise des formes tridimensionnelles en mouvement qui composent le récit. Mais cette incursion de la géométrie entre la narration et la mise en scène ne va pas de soi.
On peut se représenter le problème de la façon suivante. Si un programme informatique était capable d’inventer des histoires, et qu’un autre programme informatique était capable de les mettre en scène dans des mondes virtuels animés, comment faudrait-il les faire communiquer entre eux ?

Faudrait-il demander au premier programme d’écrire un scénario en langue naturelle, et au second programme de déchiffrer ce scénario pour comprendre l’histoire et la mettre en images ? Cela nous obligerait à résoudre des problèmes redoutables de génération et d’analyse de la langue naturelle, qui semblent bien éloignés de notre problème initial. Ou existe-t-il un langage intermédiaire, une « lingua franca » (Ronfard et Szilas, 2014) qui permettrait au premier programme de communiquer les éléments de la narration au second programme, qui les mettrait en images?

C’est une question vertigineuse, à laquelle mon équipe de recherche s’efforce de répondre. Nous savons que cette « interlingua » doit comporter une forte composante géométrique, mais elle fait sans doute également appel à la physique, à la sémantique du récit et à l’esthétique de la mise en scène. Vue sous cet angle très particulier, la narration est une source de questionnements infinis pour la science informatique en général, et pour l’informatique graphique en particulier.

Pour prolonger :

Rémi Ronfard, Nicolas Szilas, « How generative digital media is reshaping narrative », International Conference on Narrative, Harvard, USA, March 2014 [en ligne] : https://hal.inria.fr/hal-00983261 (03/11/21)

Rémi Ronfard, Nicolas Szilas, « Where story and media meet: computer generation of narrative discourse », Computational Models of Narrative, Quebec, Canada, July 2014 [en ligne] : https://hal.inria.fr/hal-01005381 (03/11/21)

Pour citer : Rémi Ronfard, « Narration », Performascope : Lexique interdisciplinaire des performances et de la recherche-création, Grenoble : Université Grenoble Alpes, 2021, [en ligne] : http://performascope.univ-grenoble-alpes.fr/fr/detail/177557

Michel Mathieu-Colas, « Frontières de la narratologie », Poétique, 65, 1986, p. 91-110

Jeanne Favret-Saada, Les Mots, la mort, les sorts, Paris : Gallimard, 1977

Béatrice Fleury, Jacques Walter, « La narratologie dans tous ses états », Questions de communication, 31, 2017, [en ligne] : http://questionsdecommunication.revues.org/11109 (01/07/2021)

Gérard Genette, Figures III, Paris : Points, 2019 [1972]

François Laplantine, « Légitimité du récit dans les sciences sociales », Vie sociale, 1, 9, 2015, pp.15-21

Inderjeet Mani, « Computational Modeling of Narrative », Synthesis Lectures on Human Language Technologies, Williston : Morgan and Claypool, 2012, [en ligne] : https://doi.org/10.2200/S00459ED1V01Y201212HLT018 (02/07/2021)

Paul Ricoeur, Temps et récit, vol.1, Paris : Seuil, 1983

Bernard Victorri, « Homo narrans : le rôle de la narration dans l’émergence du langage », Langages, 146, 2002, pp.112-125, [en ligne] : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00009488 (02/07/2021)