Récit-fiction Narrative-Fiction

— Légende

Définitions

Brève définition des termes pour donner le cadre de leur portée théorique et disciplinaire.

Citations

Citations d’auteurs proposant des éléments de définition faisant consensus et provenant de sources bibliographiques.

Perspectives

Textes rédigés par des chercheurs/artistes à partir de l’expérience de leur terrain d’étude.

Bibliographie

Sources bibliographiques prolongeant les citations.

Définition

Le récit-fiction est une forme de renouvellement de l'écriture scientifique qui s'appuie sur la complémentarité entre les registres littéraire et poétique pour rendre compte d'une forme de subjectivité du chercheur dans l'analyse de son matériau d'enquête. Cette proposition d'écriture permet d'immerger le lecteur dans un registre sensible et émotionnel et de lui faire ressentir par procuration l'expérience de terrain en la poétisant. Cette méthode de restitution scientifique empruntant au registre des arts permet de dévoiler ce qui est habituellement effacé. En ce sens, le récit-fiction n'est pas juste une nouvelle manière d'écrire, c'est aussi et surtout une proposition pour renouveler l'écriture scientifique.

Pour citer « Récit-fiction », Performascope : Lexique interdisciplinaire des performances et de la recherche-création, Grenoble : Université Grenoble Alpes, 2023, [en ligne] : http://performascope.univ-grenoble-alpes.fr/fr/detail/796670

Catégorie :

Date de création : 2024-09-18.

Dernière modification : 2024-10-09.

Licence Creative Commons
Les textes sauf les citations sont mis à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification.
Imprimer ce terme

Perspective

Citation

Bibliographie

« Connaître, ce n'est pas simplement saisir ou élucider le monde (et le réel) par un acte d'objectivation dont le langage scientifique serait l'outil, le calque ou l'empreinte, c'est aussi reconfigurer le monde, le transfigurer afin que le sens advienne. C'est notamment de ce point de vue que le rôle de la fiction peut s'éclairer et trouver sa fécondité dans la pensée scientifique. » 
Frank Vermandel, « Quels enjeux épistémologiques pour la fiction ? », Lieux Communs - Les Cahiers du LAUA, no 16, 2013, pp. 29‑46.
 « Les mots, les styles, les stratégies d'écriture sont aussi à penser comme objets de sciences sociales pour leur adéquation à une construction d'objet, une méthode d'enquête, un support de publication et de vulgarisation ».

Érik Neveu, « Pour une écriture réflexive et désinhibée », in Écrire les sciences sociales, écrire en sciences sociales, Christian Le Bart (dir.), Florian Mazel (dir.), Rennes : MSHB-PUR, 2021, pp.248‑266.

Je suis formée en géographie et aménagement de l'espace, mes recherches portent sur le rapport affectif des individus à leurs lieux de vie avec une réflexion sur la manière d'inclure cette dimension de l'ordre du ressenti dans la fabrique de l'urbain contemporain. L'ensemble de mes travaux scientifiques est marqué par une réflexion sur les méthodologies qualitatives dans leur propension à « dévoiler » le sensible.

L'envie d'écrire un récit-fiction a émergé dans le cadre de l'organisation d'un forum de restitution du programme de recherche Mobi'kids financé par l'ANR, en présence de représentants d'associations et de collectivités et à destination du grand public, et notamment du public enquêté, les enfants. L'écriture académique s'avère peu adaptée pour communiquer en dehors des canaux de la recherche mais également lorsqu'il s'agit d'évoquer la sphère du sensible et des émotions.

Utiliser ensemble les termes de récit et de fiction permet à la fois de recourir à une narration (et non à une classique démonstration scientifique) laquelle, en s'appuyant sur la fiction, constitue une manière de raconter mêlant l'imaginaire et le réel. Le récit est une histoire, racontée à partir de ma propre sensibilité face au matériau de recherche à analyser : des parcours commentés d'enfants entre leur école et leur domicile. Il est écrit à partir d'une immersion dans l'écoute de l'enregistrement audio. Je me retrouve ainsi plongée au cœur d'une double relation entre l'enquêteur et l'enfant et entre l'enfant et l'environnement (Audas et al, 2020). Proposer une forme de traduction des ambiances par l'écrit permet de dévoiler ce qui se joue dans cet ici et maintenant de l'enquête, qui serait certainement resté dans l'ombre, car considéré comme relevant d'une vision subjective ou tout au plus d'un carnet de terrain. Basée sur mes ressentis et intuitions, le récit est une création à partir d'une sélection d'extraits du matériau d'enquête pour les énoncer autrement. Le recours à la fiction passe notamment par la création de personnages, s'inspirant des enfants enquêtés dont le rôle est d'énoncer et de partager la réalité de leur cheminement quotidien en révélant toutes les formes de sensibilité à l'œuvre.

Les manières de rendre compte des qualités sensibles des situations constituent actuellement une source de questionnements pour la recherche en SHS. Organiser un matériau sous forme de narration constitue, à n'en point douter, un puissant outil cognitif et méthodologique pour décrire et analyser finement une réalité sociale. L'intérêt du récit-fiction réside dans cette mise en exergue de l'inévitable dimension interprétative, inhérente à toute analyse de situation empirique, et dans l'acceptation et l'affirmation des processus traductifs qu'ils impliquent en tant que nouvelle forme de distanciation scientifique.

Pour aller plus loin

Nathalie Audas et al., « Ambient Outlines of Children's Urban Experience. A Look Back at an Interpretative Methodology », Ambiances, Alloaesthesia: Senses, Inventions, Worlds, Damien Mason (dir.), Grenoble : Réseau International Ambiances, 2020, pp. 126-131.

Nathalie Audas, Jul McOisans, Isabelle Raquin, « Parcourir la ville : un jeu d'enfants », NAKALA, 2023, [en ligne] :

https://doi.org/10.34847/nkl.2404plkh (11/09/2023)

Nathalie Audas, Jul McOisans, Isabelle Raquin, « Parcourir la ville : un jeu d'enfants » (enregistrement sonore), NAKALA, 2023, [en ligne] : https://doi.org/10.34847/nkl.76abr599 (11/09/2023)

Aline Caillet, L'art de l'enquête, Savoirs pratiques et sciences sociales, Milan / Paris : Éditions Mimésis, 2019.

Caroline Guittet, « La littérature au secours de la géographie », in Écrire les sciences sociales, écrire en sciences sociales, Christian Le Bart (dir.), Florian Mazel (dir.), Rennes : MSHB-PUR, 2021, pp. 163-172.

Mondher Kilani, « Du terrain au texte. Sur l'écriture de l'anthropologie », Communications, n°58, 1994, pp. 45-60.

Laurent Matthey, « Chimères. Effets de réel, pacte de lecture et dispositifs esthétiques de l'objectivité », Lieux Communs - Les Cahiers du LAUA, no 16, 2013, pp. 99-115.

Steven Prigent, L'anthropologie comme conversation : la relation d'enquête au cœur de l'écriture, Toulouse : Anacharsis, 2021.
Françoise Waquet, Une histoire émotionnelle du savoir : XVIIè-XXIè siècle, Paris : CNRS Éditions, 2022