Attention Attention

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Définition

L’attention est une faculté cognitive permettant la perception privilégiée d’un objet ou d’un phénomène, que ce soit en vue de son observation, de son étude ou encore de son jugement. On regroupe sous cette même appellation différents processus tels que l’attention automatique, l’attention consciente ou encore l’attention collective. Étudiée de longue date par la philosophie, cette faculté a notamment été prise en compte au XXe siècle dans le champ de la psychologie puis, plus récemment, des neurosciences cognitives.

Pour citer : « Attention », Performascope : Lexique interdisciplinaire des performances et de la recherche-création, Grenoble : Université Grenoble Alpes, 2021, [en ligne] : http://performascope.univ-grenoble-alpes.fr/fr/detail/177593

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Date de création : 2021-06-09.

Dernière modification : 2022-06-29.

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Bibliographie

« Pourquoi s'intéresser à l'attention ? Parce qu'elle détermine notre perception du monde, notre rapport à ce qui nous entoure et à nous-mêmes. Elle éclaire le monde et nos pensées, nos sensations et nos sentiments comme une torche […] ‘Mon expérience est définie par ce à quoi je porte attention’, disait William James, l'un des pères de la psychologie moderne. Faire attention à un objet, à une scène ou à un être, c'est le faire exister dans le champ de son expérience sensible, c'est lui donner vie. »

Jean-Philippe Lachaux, Le cerveau attentif : contrôle, maîtrise et lâcher-prise, Paris : Odile Jacob, 2013, pp.9-10

« L’attention n’est pas seulement un mécanisme de filtrage sélectif, un mécanisme d’amplification. C’est une véritable fonction cognitive et motrice, ancrée dans l’action et qui participe, de plein droit pourrait-on dire, à l’élaboration des décisions concernant l’action. »

Alain Berthoz, La Simplexité, Paris : Odile Jacob, 2009, p.60

« D’une certaine façon, notre attention est ce qui nous appartient le plus en propre. Et pourtant, nous n’en disposons que pour l’aliéner – dans les appareils de capture où nous immerge le capitalisme consumériste, comme dans les expériences esthétiques où nous nous plongeons avec le plus de passion. Si notre attention est le champ de bataille où se joue le sort de nos soumissions quotidiennes et de nos soulèvements à venir, alors nous sommes à la croisée des chemins. Chacun peut apprendre à mieux ‘gérer’ ses ressources attentionnelles, pour être plus ‘performant’ et plus ‘compétitif’... Ou alors, nous pouvons apprendre à nous rendre mieux attentifs les uns aux autres, ainsi qu’aux relations qui tissent notre vie commune. »

Yves Citton, Pour une écologie de l’attention, Paris : Seuil, 2014, p.14

Études en danse
Martin Givors, Chargé de recherches, Études en danse & anthropologie, FNRS, Université de Liège, Liège, Belgique

Dans le cadre de l’étude des pratiques corporelles en danse et en cirque, la notion d’attention offre une entrée privilégiée pour aborder l’expérience subjective de l’interprète lors d’une performance. Plus spécifiquement, il m’apparaît que l’analyse des attentions de l’artiste peut contribuer à notre compréhension de la morphogenèse des gestes (i.e. le processus de leur performance). Chaque mouvement, chaque état de corps, chaque style chorégraphique, pourrait en ce sens être associé à une forme de conscience corporelle, spatiale et rythmique singulière et dynamique, comme un paysage sensoriel d’où ils émergeraient continuellement.

L’activité attentionnelle est bien sûr trop complexe et stratifiée pour que l’on puisse prétendre la décrire de manière exhaustive, aussi les architectures attentionnelles accessibles au chercheur ne seront jamais que des esquisses. Il n’en demeure pas moins que l’apprentissage d’un mouvement ou d’un état s’opère bien souvent par la transmission d’une forme de cartographie attentionnelle subjective qu’il est possible de noter – ce que le psychologue James Gibson appellerait une « éducation de l’attention ». Ainsi, inspiré par son séjour auprès des moines de Shaolin en Chine, le chorégraphe Sidi Larbi Cherkaoui proposera à ses interprètes de « danser en regardant leur corps depuis l’occiput »[1] afin de développer une corporéité qu’il qualifiera de « reptilienne »[2] – le regard occipital étant une technique de méditation en mouvement utilisée dans les arts martiaux chinois. De même, lors de la création d’un quatuor de trampoline, le circassien Yoann Bourgeois insistera sur la nécessité de prêter attention à la pression de la force gravitaire sur le corps afin de chuter à l’écoute de cette poussée, dans un mouvement de « laisser-agir », plutôt que sous l’effet d’un acte de volition solitaire et autonome. Ici, l’attention est une constituante clef de la physique du geste : faire attention à la présence de la gravité constitue, pour Yoann Bourgeois, une manière de lui accorder une pleine agentivité dans l’émergence du geste. L’attention se fait un outil de distribution de la puissance, au sens où « faire attention à » peut déjà signifier « accepter d’être affecté par », et donc « travailler avec ». Ainsi que le rappelle l’anthropologue Tim Ingold, l’intelligence attentionnelle est indissociable de la virtuosité technique de l’artiste. En un sens, l’attention esquisse continuellement les paysages sensoriels d’où émergent les qualités et les écritures gestuelles, qui sont autant de réponses aux textures du monde perçu.

Outre les situations de transmission, la notion d’attention éclaire également la dimension proprement herméneutique des pratiques corporelles. Si le partage d’un geste se fait par le partage d’une cartographie attentionnelle, l’entraînement et l’improvisation sont quant à eux des processus au cours desquels les gestes (souvent répétés) font émerger des attentions nouvelles et non préméditées. En tant que chercheur-praticien, ce processus m’apparaît être au cœur de mon travail de practice-led research (i.e. recherche guidée par la pratique). Dans le cadre du cycle d’ateliers « L’invisible en jeu » que j’ai coporté avec Claire Besuelle entre 2017 et 2018, notre méthodologie d’enquête a ainsi consisté à retravailler une année durant un même répertoire de techniques transmises par un corpus d’artistes, en les déclinant dans une variété de contextes, afin de poursuivre une forme péréquienne de « tentative d’épuisement » [3]de ces mêmes gestes. Par leur répétition et leur réappropriation, nous enquêtions ainsi ce que les gestes nous donnaient progressivement à voir des processus dits « énergétiques » dans le travail théâtral comme chorégraphique. Ressaisis dans un temps long, les gestes se faisaient déclencheurs d’attentions, et les mondes sensibles qu’ils nous invitaient à découvrir nourrissaient la matière même de notre recherche.


[1] Notes de terrain issues de l'observation des répétitions du spectacle Fractus V, Barcelone, juin 2015.

[2] Ibid

[3] Qui reprend la célèbre publication de George Perec Attempt at exhausting a place in Paris, 1975


Pour citer : Martin Givors, « Attention », Performascope : Lexique interdisciplinaire des performances et de la recherche-création, Grenoble : Université Grenoble Alpes, 2021, [en ligne] : http://performascope.univ-grenoble-alpes.fr/fr/detail/177593

Tim Ingold, « From the transmission of representations to the education of attention », Laboratory of Comparative Human Cognition, 1999, [en ligne] : http://lchc.ucsd.edu/mca/Paper/ingold/ingold1.html (23/03/21)

Julie Perrin, Figures de l’attention : cinq essais sur la spatialité en danse, Dijon : les Presses du réel, 2012