Sauvegarde

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Définition

A la fois considéré comme une trace physique ou numérique, une sauvegarde est une protection qui atteste de l'existence fragile d'êtres et d'évènements à un moment précis dans le temps et dans l'espace.

Pour citer : Kieran Puillandre, « Sauvegarde », Performascope : Lexique interdisciplinaire des performances et de la recherche-création, Grenoble, Université Grenoble Alpes, 2025 [en ligne] : http://performascope.univ-grenoble-alpes.fr/fr/detail/886643

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Date de création : 2025-06-20.

Dernière modification : 2025-06-20.

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Bibliographie

« Baudelaire, qui dénonçait avec mépris à la fois la déchéance que la photographie inflige à l'art et la prétention de celle-ci à être un art, reconnaissant du moins à la photographie le mérite de sauvegarder, en fixant leur apparence ces choses éphémères qui peuvent prétendre à une place dans ‘'les archives de notre mémoire''. »

Sigfried Kracauer, Sur le seuil du temps essais sur la photographie, Les presses de l'Université de Montréal, Montréal, 2013, p. 75.

 

« Peut-être que je photographie parce que le temps passe trop vite, et peut-être que je film parce que le temps me manque. »

Johan Van Der Keuken, « Photographe Cinéaste » in Photographies n° 4, Paris, avril 1984, en ligne : https://www.sabzian.be/text/photographe-cin%C3%A9aste

 

« En effet, peut-être faut-il envisager le patrimoine numérique non pas au sens d'une conservation qui échoue à sauver les œuvres de la disparition, mais au sens d'une sauvegarde qui est processuelle, et qui d'une certaine manière agit l'œuvre. »

Youssef Ishaghpour, Le cinéma, Verdier, Lagrasse, 2015, pp. 149-150.

 

« Hannah Arendt –sauvegarder le monde humain par la permanence des œuvres de l'art – se trouvait ici renversé : la sauvegarde du monde humain passe par l'évocation de sa constante dissolution, de son irrévocable médiocrité, évocation qui éveille en chacun le sentiment de son humanité et l'ouvre à la dimension universelle que recèle l'intimité. Tout art éphémère n'a-t-il pas toujours cherché à conserver sa trace, son tracé ou ses cartographies ? »

Christine Buci-Glucksmann, Esthétique de l'éphémère, Paris, Galilée, 2003, p. 16.


Études Cinématographiques Kieran Puillandre, Doctorant et ATER, Univ. Grenoble Alpes, CNRS, Litt&Arts, 3800 Grenoble, France

Élaborées à partir d'une approche interdisciplinaire, mes recherches se consacrent à l'étude des processus de créations où se croisent images photographiques et mouvements filmiques. En prenant pour appui un corpus établi des années 1960 à nos jours, mes travaux interrogent l'évolution de nos rapports aux images ainsi qu'à leur mode de production à partir d'œuvres de cinéastes qui ont traversé ces décennies et vécu le passage de l'argentique à l'ère numérique. Si le numérique à ouvert de nombreuses possibilités filmiques et photographiques, il a aussi entrainé une accélération des moyens de productions et du développement de nouvelle technologie. Les films étudiés se situent à contre-courant de cette accélération du mouvement. Ces films expriment plutôt de des dialogues entre différentes formes d'images dans le but de retrouver du temps et de la durée dans ce qui « a été »[1]. La photographie est par nature une image à laquelle il manque quelque chose. En se retrouvant dans le mouvement du film, elle retrouve ainsi une durée, remettant en mouvement les formes figées, sauvegardées sur papier gélatino-argentique ou fichier numérique.

Parmi de nombreux cinéastes, Jean-Daniel Pollet (1936 – 2004) a interrogé à plusieurs niveaux les relations entre le film et la photo, ainsi que la capacité de cette relationà étudier les liens entre mémoire, archive et sauvegarde. Toutefois, c'est dans son ultime œuvre « Jour après jour » que la relation entre la photographie et le cinéma interroge davantage la question de la sauvegarde. Pour Jean-Daniel Pollet, la question de la photographie s'est finalement imposée à lui de par les conséquences d'un accident qui l'a contraint à l'immobilité. N'étant plus capable de soulever une caméra, le cinéaste tend sa réalisation d'images vers la photographie. Elle permet à Jean-Daniel Pollet de réaliser plusieurs films comme « Jour après Jour » (2006), dont la démarche initiale était de photographier au moins une fois par jour afin de pouvoir durer un peu plus, chaque jour. Pollet photographie alors depuis sa maison et on trouve dans le film de nombreuses prises de vue de fruits, de fleurs et d'arbres. Ce film rappelle alors la pratique photographique du cinéaste iranien Abbas Kiarostami qui photographiait des arbres pour pouvoir les partager avec ceux qui n'étaient pas là. La photographie dans son rapport au cinéma est alors une affaire de partage. De par sa nature fixe et rigide, le cinéma lui offre une durée à l'écran, en échange de nouvelles possibilités de montage, où un film se compose avec des images absentes de mouvement. C'est cette mise en mouvement de la photographie à travers le film qui entraîne la formation du processus de sauvegarde. Cette sauvegarde repose sur l'utilisation d'images photographiques prenant racines dans le mouvement du film.

Ici, la sauvegarde est donc un acte qui permet de retrouver dans une image, une trace d'un élément ou d'un événement disparu, pris dans le mouvement du monde. Car à ce propos, rappelons qu'avant de finaliser Jour après jour, Jean-Daniel Pollet décède, léguant à son ami Jean-Paul Fargier la responsabilité de terminer ce film, à partir d'archives photographiques (365 photos), de quelques notes et d'indications de montage conservées. Il s'agit donc d'une mémoire visuelle sauvegardée à la main dans des carnets permettant l'aboutissement à venir d'un film.

[1] Roland Barthes, La chambre claire, La chambre claire : Note sur la photographie, Éditions de l'Étoile, Gallimard, Le Seuil, Paris, 1980, p. 119. « Ça a été » ; Cette célèbre formule de Roland Barthes synthétise l'expérience de reconnaissance à partir d'une photographie d'une ou d'un événement révolu dans le temps.


Pour citer : Kieran Puillandre, Sauvergarde , Performascope : Lexique interdisciplinaire de la performance et de la recherche-création, Université Grenoble Alpes, Grenoble, 2025 [en ligne] : https://performascope.univ-grenoble-alpes.fr/fr/886643


Giorgio Agamben, Quand la Maison brûle, Editions Payot et Rivages, Paris, 2021.Roland Barthes, La chambre claire : Note sur la photographie, Editions de la l'Etoile, Gallimard, Le Seuil, Paris, 1980

Gaëlle Périot-Bled, De la conversation au processus. L'efficience du numérique, Revue Hybrid, n°1, Patrimoines éphémères , Presses Universitaires de Vincennes, Paris, 2014.

Damian Sutton, Photography, Cinema and Memory: The Crystal Image of time, University of Minnesota Press, 2009.