Arts Santé
Léa Andréoléty, Univ. Grenoble Alpes, CNRS, Litt&Arts, 38000 Grenoble, France
Mes recherches de doctorat s’inscrivent dans le champ interdisciplinaire des humanités médicales : en arts de la scène, avec une étude de l’improvisation théâtrale, de la danse et des pratiques somatiques, et en pédagogie des sciences infirmières. C’est une recherche appliquée, qui s’étend en dehors de toute vocation esthétique et qui prend la forme d’un partenariat avec l’Institut de Formation en Sciences Infirmières du CHU de Grenoble. J’utilise le concept de recherche-action comme démarche méthodologique, guidant l’action déployée sur ce terrain de recherche constitué par le cadre de ce dispositif pédagogique. Le choix d’utiliser la recherche-action dans ce contexte précis est motivé par un manque de posture critique dans la méthodologie d’application des arts en formation en santé, avec une nécessité de penser la transposition de ces pratiques, en vue de travailler et repenser la construction corporelle des infirmières en formation.
Le concept de recherche-action articule trois éléments : participation, action et recherche. La nature de ce procédé de recherche est participative, avec pour objectif de faire évoluer une situation et/ou une organisation. Aussi, l’utilisation de la démarche dans ce contexte est-elle argumentée par les principes de co-construction de la recherche avec les personnes concernées (n’étant pas moi-même spécialiste des sciences infirmières, il semble primordial de placer leur expertise et leur expérience au centre de l’action et de la réflexion).
Cette démarche rencontrée pour ma part sur le plan théorique au travers notamment des écrits de René Barbier, et telle qu’elle est développée au cours de la deuxième partie du XXe siècle possède une multiplicité de mises en pratique. Au sein de ma recherche, le concept de recherche-action a évolué d’un point de vue théorique à sa mise en pratique sous la forme de propositions d’ateliers de pratiques théâtrales et somatiques avec un groupe d’étudiant.es volontaires sur leurs trois ans de formation. C’est le passage du plan théorique à la mise en pratique qui m’a permis de faire notamment émerger des enjeux et questionnements autour de la notion de posture professionnelle en tant que chercheuse et intervenante sur le terrain.
Questionner la posture professionnelle – définie par la manière d’incarner la fonction, la façon d’être et de faire au sein de cette démarche de recherche – me paraît être un enjeu primordial : comment prendre en compte et reconnaître la connaissance théorique et d’expérience des participant.es ? Et plus concrètement, quelle posture acquérir auprès des participant.es au sein de cette proposition pédagogique ? L’élément « recherche » du concept de recherche-action induit une production de connaissances au sein de l’étude. La démarche implique une logique transformative du terrain partant d’un constat initialement établi avec l’institution d’une part et avec les participant.es d’autre part, et basé sur leurs expériences de terrain et apports théoriques. Il paraît donc nécessaire de penser mon implication auprès de l’institution, des décisionnaires et des participant.es, mon degré (non nul) de neutralité et d’objectivité dans la relation et la construction de la recherche, ainsi que l’influence réciproque entre les participant.es, l’institution et moi-même. Concrètement, la construction de la pratique pédagogique se réalise conjointement avec les étudiant.es qui proposent des situations vécues sur les lieux de stage qui leur a semblé problématique ou questionniable. Ces situations sont ensuite décortiquées, explorées, éprouvées, et travaillées dans différentes dimensions (relationnelle, éthique ou technique par exemple) et avec différents outils (improvisation théâtrale, Contact Improvisation ou encore pratiques somatiques). Choisir de me positionner en tant d’observatrice-participante me permet à la fois de collaborer, d’intervenir, de créer et de développer un lien entre pratique et théorie, ainsi qu’entre l’institution et les étudiant.es. Le contenu des ateliers évolue en fonction des retours d’expériences de terrain des étudiant.es, de leurs réflexions et de ce qui les traverse en termes de réflexions et d’expériences. La mise en place d’une recherche-action permet de proposer aux participant.es de s’approprier la démarche scientifique et d’avoir une place active au sein de la construction de leur formation.
Pour citer : Léa Andréoléty, « Recherche-action », Performascope : Lexique interdisciplinaire des performances et de la recherche-création, Grenoble : Université Grenoble Alpes, 2021, [en ligne] : http://performascope.univ-grenoble-alpes.fr/fr/detail/177881