« J’appelle dispositif tout ce qui a, d’une manière ou d’un autre, la capacité de capturer, d’orienter, de déterminer, d’intercepter, de modeler, de contrôler et d’assurer les gestes, les conduites, les opinions et les discours des êtres vivants. Pas seulement les prisons donc, les asiles, le panoptikon, les écoles, la confession, les usines, les disciplines, les mesures juridiques, dont l’articulation avec le pouvoir est en un sens évidente, mais aussi, le stylo, l’écriture, la littérature, la philosophie, l’agriculture, la cigarette, la navigation, les ordinateurs, les téléphones portables et pourquoi pas, le langage lui-même, peut-être le plus ancien dispositif dans lequel, plusieurs milliers d’années déjà, un primate, probablement incapable de se rendre compte des conséquences qui l’attendaient, eut l’inconscience de se faire prendre. »
Giorgio Agamben, Qu’est-ce qu’un dispositif ?, traduit par Martin Rueff, Paris : Payot & Rivages, 2007 [2006], p. 31
« Ce que j’essaie de repérer sous ce nom c’est [...] un ensemble hétérogène comportant des discours, des institutions, des aménagements architecturaux, des décisions réglementaires, des lois, des mesures administratives, des énoncés scientifiques, des propositions philosophiques, morales, philanthropiques ; bref, du dit aussi bien que du non-dit, voilà les éléments du dispositif. Le dispositif lui-même c’est le réseau qu’on établit entre ces éléments [...] J’ai dit que le dispositif était de nature essentiellement stratégique, ce qui suppose qu’il s’agit là d’une certaine manipulation de rapports de force, soit pour les développer dans telle direction, soit pour les bloquer, ou pour les stabiliser, les utiliser. Le dispositif, donc, est toujours inscrit dans un jeu de pouvoir, mais toujours lié aussi à une ou à des bornes de savoir, qui en naissent, mais, tout autant, le conditionnent. »
Michel Foucault, « Le jeu de Michel Foucault », Dits et écrits, vol. 3, Paris : Gallimard, 2001 [1977], pp. 299-300
« Le dispositif en tant que processus (et non procédure) d’expérimentation tient certes de la tactique au sens de Clausewitz. Mais il conjugue un cadre (c’est-à-dire une option) et une interaction physique dont peut surgir l’imprévisible. Nous nous apercevons que les dispositifs d’observation et d’analyse les plus audacieux sont ceux qui permettent de provoquer ce qui paradoxalement échappe au dispositif : le caractère spontané et indéductible des interactions entre les acteurs, dont le corollaire est la nature non pas déductible mais inductive de la démarche anthropologique. »
François Laplantine, « Préface », dans Mouloud Boukala, Le dispositif cinématographique, un processus pour [re]penser l’anthropologie, Paris : Téraèdre, 2009, p.12
« Il est important de souligner, néanmoins, que le dispositif du spectacle intermédial fait émerger un environnement qui convoque le phénomène de réalité mixte, et cela en faisant interférer la réalité scénique avec la réalité produite par la technologie. Il s’agit alors du dispositif qui « combine » un environnement de nature physique avec un de nature technologique. »
Isabella Pluta, L’acteur et l’intermédialité. Les nouveaux enjeux pour l’interprète et la scène à l’ère technologique, Lausanne : L’Age d’Homme, 2011, p.145
« Le dispositif est d’abord une organisation matérielle : les spectateurs perçoivent dans une salle obscure des ombres projetées sur un écran, produites par un appareil placé le plus souvent derrière leur tête. C’est l’« appareil de base » (Baudry), métonymie de l’ensemble de l’appareillage et des opérations nécessaires à la production d’un film et à sa projection, et donc pas seulement de la caméra et du projecteur proprement dits. »
Jaques Aumont, Michel Marie, Dictionnaire théorique et critique du cinéma, Paris : Nathan, 2001, p.54