Géographie
Felix de Montety, Univ. Grenoble Alpes, CNRS, Sciences Po Grenoble, PACTE, 38000 Grenoble, France
Mes recherches portent sur l’épistémologie et l’histoire de la géographie en Europe. Je m’intéresse en particulier aux enjeux linguistiques et de traduction, ainsi qu’à l’apport des approches narratives, sensibles ou non-représentationnelles à la géographie contemporaine.
Multiplier les échelles, les angles, et les modes d’appréhension de la notion d’espace me semble être l’essentiel de ce que je fais dans mes recherches, et contribue pour beaucoup à structurer autant ma façon de travailler que de percevoir le monde au quotidien, en découvrant un lieu, un paysage, un spectacle, une forme. Je ne saurais à présent dire si c’est le signe d’une déformation professionnelle ou d’une manie qui serait devenue mon métier car il y a dans la notion d’espace quelque chose qui définirait fondamentalement l’approche géographique et en même temps qui doit se partager avec d’autres pratiques savantes et créatives.
L’étude des liens multiples entre l’espace et le territoire, entre le paysage et l’espace, entre l’identité et l’espace, ou encore entre la carte et l’espace nous montre à quel point celui-ci est construit, négocié. L’espace existe parce qu’il est vécu. C’est dans cette perspective que j’enquête aujourd’hui sur l’idée d’un « espace des langues », c’est-à-dire à la fois la façon dont les langues varient, circulent, sont fixées, mêlées et redéfinies en permanence en fonction des espaces où elles sont pratiquées, et la façon dont le langage est utilisé pour construire l’espace, explorer le monde pour dire « je suis ici, je vais là, je connais et appartiens à cet ici et ce là ». On peut tout à fait dresser des géographies de la diversité et de la variation spatiale des langues, analyser spatialement les toponymes, les accents, les emprunts et hybridations. C’est dans cette perspective que j’essaye d’initier en collaboration avec des linguistes des approches méthodologiques hybrides permettant de s’interroger sur la façon dont les humains mettent en jeu le langage dans l’espace pour se repérer, s’approprier ce qui les environne de façon proche ou lointaine, et se définir individuellement et collectivement.
Faire du terrain change en permanence le rapport que l’on peut avoir à la notion d’espace, notamment parce que si c’est une notion centrale des sciences humaines, c’est aussi un terme extrêmement présent dans le langage courant. Quand l’on fait une enquête de terrain en géographie humaine, bien sûr on vient avec son espace de professionnel obsédé de l’espace mais on se confronte à d’autres usages du mot lui-même et à d’autres conceptions de ce que signifie l’espace dans la vie des gens, à d’autres représentations et façons dont chacun construit son monde. En cela, ce n’est pas forcément la notion extrêmement large et englobante qu’il serait vain ou immodeste de vouloir définir, mais c’est un miroir que l’on peut tendre ou se tendre à soi-même pour faire réfléchir sur la façon dont nous avons la possibilité de nous mouvoir, d’exercer une action sur ce qui nous entoure, de mieux connaître le Monde que l’on aura peu à peu apprivoisé.
Pour citer : Felix de Montety, « Espace », Performascope : Lexique interdisciplinaire des performances et de la recherche-création, Grenoble : Université Grenoble Alpes, 2021, [en ligne] : http://performascope.univ-grenoble-alpes.fr/fr/detail/177559